[Quête] La mémoire perdue des Eldar

Un homme se tenait sur les remparts désertés de Valinor. Il portait une cape de voyage sombre, une épée pendait à son ceinturon et son visage était à peine visible, encapuchonné. L'homme était un Eldar. L'homme était un Téléri. L'homme était un Immortel. L'homme était Arthurius.
Il regardait le soleil se coucher devant Valinor. Valinor, cette citée qui fût parmi les plus grandes, une citée qui jadis irradiait de Lumière et de beauté. Dont la somptuosité ne pouvait rivaliser qu’avec sa magie. La magie des Eldar. Les Eldar, un peuple, une histoire, une famille, une idéologie, désormais disparus.

Arthurius était arrivé dans l'après midi à Valinor. Il s'en doutait mais son cœur se serra tout de même lorsqu'il comprit que la citée était toujours déserte, qu'il n'y avait plus âme qui vive. Les bâtiments autrefois somptueux prenaient la poussière et tombaient en lambeau. Parfois, au détour des rues, des portes étaient enfoncées, des vitres étaient cassées. Traces que des pilleurs volaient ce qu'il restait de la citée de Lumière, sans gardes, sans protection.

Arthurius se tenait sur les remparts désertés de Valinor. Il regardait au loin, rêveur, emplis de nostalgie. Puis le calme harmonieux, la beauté parfaite du coucher de soleil fut interrompu par un cheval au galop qu'Arthurius aperçut au loin. Un cheval blanc parsemé de tâches grises. Le cheval se dirigeait vers la citée. Très vite Arthurius put voir deux silhouettes sur le destrier. Une plus grande que l'autre. Un enfant et un adulte conclu Arthurius. Puis il se rendit compte que derrière la silhouette la plus grande traînait au vent une longue chevelure blonde.

Arthurius descendit alors des remparts pour se tenir devant l'entrée de la citée. Les portes massives de la citée étaient ouvertes, sans doute depuis fort longtemps. Bientôt le cheval arriva à quelques pas d'Arthurius et la femme qui le montait descendit de cheval avant d'aider l'enfant à faire de même. La femme blonde portait une robe simple et bon marché, une horreur pour monter à cheval. Sa peau tanné par le soleil et ses mains marquées par le travail manuel montraient qu'elle était paysanne ou artisane. Mais elle ne ressemblait en aucun cas à une guerrière.
L'enfant ne devait pas être âgé de plus de huit ans. Il tenait sa mère par les jambes et fuyait le regard du Téléri.

_Bonsoir gente Dame ! Je suis Arthurius, chevalier Téléri. Mais pourquoi avez vous chevauché jusqu'ici, une citée en ruine ? Questionna Arthurius.

La Dame ne répondit pas tout de suite, elle contemplait avec effroi la désolation qui se dégageait des ruines de Valinor. Lorsqu'elle fixa son regard dans celui du Téléri, Arthurius put y voir une profonde détresse mêlée à une grande colère.

_Je venais chercher de l'aide... souffla la femme. On m'avait parlé d'une splendide Citée de Lumière. Une citée qui abritait une puissante magie bienfaisante, une cité ou se côtoyaient des Elfes, des Hommes, des Valar, des Phoenix et des Dragons. Une citée qui repoussait le mal quel qu'il soit. Dont les habitants étaient des Héros avec un courage sans faille et une bienveillance sans nom. Mais cette citée que je vois, qui se trouve devant moi, ne ressemble qu'a un tas de ruine.

Arthurius eut du mal à retenir ses larmes lorsque la femme lui remémora ce qui avait été perdu.

_Jadis cette citée était tout ça, et bien plus encore. Jadis les Eldar veillaient sur les peuples pour apporter un peu de bienveillance à un monde trop souvent vil et cruel. Mais aujourd'hui les Eldar ont quittés Valinor. Ils sont partis chacun de leur côté. Je ne fais pas exception, ma présence ici est simplement un acte dicté par la nostalgie.

_Quel maléfice, quel magie, quels armées les Ténèbres ont elles déployés pour détruire cette Citée ? demanda avec raison la femme.

_Nous avons eu à affronter notre pire ennemi, nous-même. Et nous ne l'avons pas supporté. Nous pouvions faire fronts à tous les maux, toutes les armées, toutes les magies tant que nous étions unis. Mais une fois désunis nous nous sommes autodétruits. Je sais que vous pensiez trouver une citée et tout un peuple pour vous aidez et qu'au lieu de ça vous n'avez trouvé que moi, mais puis je vous aider ?

_Seul c'est impossible... souffla la femme désespéré. Je viens d'un village à une journée à cheval de cette citée. Le village de Tarmarck situé au pied de la colline de Tilf. Mon village vivait de l'agriculture, il était calme et nos terres fertiles. Mais hier des hommes nous ont attaqués. Ils ont massacrés ceux qui résistèrent. Ils ont violés les femmes, battus les enfants. Ceux qui survécurent furent rendus esclaves de ces monstres. Mon mari a fait diversion pour que je puisse m'enfuir avec notre fils. J'ai réussi. Lui est mort. C'est pourquoi je veux trouver un asile, un endroit en sécurité pour mon fils. Je ne peux me rendre dans les autres villages, ils se font pillés et massacrer par les mêmes hommes les uns après les autres.

Arthurius était un vagabond depuis la chute de Valinor. Il n'avait pas de point d'attache, nulle part où aller.

_Reposons nous ici cette nuit. Demain nous prendrons la route. Déclara le Téléri. Sans savoir de quoi serait fait demain.

Un étrange bruissement d’ailes se fit alors entendre mais lorsque l’enfant prit peur, une voix douce venue du ciel calma aussitôt son angoisse. Alors, l’oiseau, ou plutôt la créature mi-oiseau, mi-homme, se posa aux côtés d’Arthurius, et regroupant ses ailes flamboyantes, elle demeura en silence…

-Mélanos s’écria le Teleri… tout en voulant serrer l’homme oiseau au creux de ses bras.

Mais lorsqu’il croisa son regard, il comprit… il comprit qu’aucune mémoire ne l’habitait. Celui que tous auraient jadis suivi jusqu’au bout du monde, n’était plus que l’ombre de lui-même. Néanmoins il possédait toujours ses armes : une paire de griffes effilées et une épée à deux mains qui, sur sa garde, à la place des pierres précieuses ornant la plupart des armes, comportaient une seule gravure : un nom… Aëlaïg… l’épée de l’Ange. A sa ceinture, Arthurius pu voir aussi le cor des immortels, celui qu’il avait donné à son mentor bien avant que la plaie de la division ne se répande sur la cité et ne la détruise en profondeur.

-Mélanos ? Je ne connais point ce nom… murmura-t-il avant de se tourner vers la femme et l’enfant...

Puis regardant à nouveau Arthurius l’Immortel, le Teleri de la cité Eldar, il ajouta :

-D’où me connais-tu ? Car tel semble être le cas. Toi, au moins tu n’as pas dégainé ton épée lorsque je me suis posé à tes côtés… J’ignore cependant pourquoi, lorsque mes pensées s’évadent de l’endroit où je veille sur celle qui fut une grande reine, elles reviennent toujours en ces lieux désolés… Alors je n’y re-matérialise, encore et encore, ignorant qui je suis un peu plus chaque jour. Mais il est une chose que je n’ai point oubliée : c’est le maniement des armes. Si tu veux d’un homme qui n’est pas un homme ou d’un oiseau qui n’est pas non plus un oiseau pour compagnon d’arme, je te suivrai sans hésiter.

La femme fit un pas en avant puis, épuisée, elle s’écroula sur le sol… Alors l’immortel et l’homme-oiseau purent voir la flèche qui avait transpercé son épaule. Elle avait perdu beaucoup de sang… et quel ne fut pas l’étonnement de la créature lorsqu’après avoir extrait la flèche, l’immortel lui dit :

-Pleure, Mélanos… verse des larmes sur sa blessure…

-Des larmes, répondit-il… des larmes, pourquoi ?

Quelle étrange sensation que celle de revoir un ami qui vous a tant manqué, mais qui ne vous reconnaît pas. Un ami perdu et désorienté, dont la mémoire s'est effacée. C'est ce sentiment que ressentait Arthurius, un sentiment empli de doutes, d'incertitudes et qui le perdait lui même car il ne savait comment faire, comment s'y prendre.

La femme était étendue au sol, inconsciente. Arthurius n'était pas un guérisseur, il ne pouvait rien faire pour elle, cela dépassait son domaine de compétence. Et Mélanos, lui qui jadis aurait pu la soigner en un battement de cil, ne connaissait plus ses pouvoirs. Il ne connaissait plus son ami qu'était Arthurius mais en plus il ne se connaissait plus lui-même.

L'enfant, lui, pleurait à chaude larmes. Des larmes dépourvues de magie mais dont la force et la violence furent un choc pour Arthurius. Le garçon suppliait Arthurius du regard. Un regard dévastateur qui désarma le Téléri bien plus sûrement qu'en le mettant à nu. Ce garçon qui avait perdu son père, dont on avait détruis le toit, dont on avait volé la vie. Arthurius devait se ressaisir, il devait réagir. C'est pourquoi il attrapa Mélanos par les épaules et fixa son regard dans le sien.

_Tu ne sais plus qui tu es. Tu ne sais plus qui je suis. Mais je sais qu'au fond de toi tu me fais confiance. Sinon tu ne serais pas revenu chez les Eldar, sinon tu ne nous aurais pas proposé ton aide. Alors fais moi confiance et crois en moi. Mais plus important encore, crois en toi mon ami. Tu es un Phoenix, tu es l'une des plus puissantes créatures qu'il m'eût été donné de connaître. Par une seule de tes larmes tu peux soigner toutes les blessures d'une personne qui le mérite, ou tuer n'importe quel ennemi. Alors pleure mon ami.

Devant le regard perplexe de Mélanos le bien aimé de Tyrée continua:

_Mon ami, tu portes à ta ceinture un Cor, le Cor des Immortels. Sur celui-ci est inscris "Enthil at Anolth" qui signifie "Amour et Amitié". J'ai exactement le même.

Pour appuyer ses dire Arthurius sortit son Cor pour le montrer à Mélanos qui prit le sien à son tour pour remarquer qu'ils étaient identiques. Puis Arthurius continua:

_Seul des amis pourraient avoir un équipement semblable, surtout des objets aussi rares. Mais ce jour-là tu m'as aussi fait un cadeau. Tu m'as marqué de la marque du Phoenix, de la marque de la Tyrée. Vois et contemple le lien qui nous unis.

Alors sur la poitrine d'Arthurius apparut une lueur de plus en plus nette. Pour se dessiner bientôt le symbole de l'oiseau de feu de la Tyrée. Et pour toute réponse, tel un écho, se dessina à son tour sur la poitrine du Phoenix le symbole de la Tyrée.

_Vois que nous sommes liés, que nous sommes amis, que nous sommes frères. Tu m'as marqué comme ton égal alors crois en ta magie. Pleure Phoenix et sauve cette femme !

Arthurius prenait le pouls de la femme en même temps qu'il parlait. Son pouls était faible et diminuait encore. C'était le moment ou jamais. Soit Mélanos la sauvait, soit elle mourrait.

Citation :

Tu es un Phoenix, tu es l'une des plus puissantes créatures qu'il m'eût été donner de connaître. Par une seule de tes larmes tu peux soigner toutes les blessures d'une personne qui le mérite, ou tuer n'importe quel ennemi. Alors pleure mon ami.

- Un phoénix pensa le Tyréen... mais ces créatures font partie des légendes! comment pourrais-je, moi en être une? Néanmoins, le Tyréen n'était pas un insensé. Si Arthurius, après avoir prouvé qu'il existait bien un lien entre eux, disait qu'il pouvait guérir d'une larme, alors il le pouvait... Et puis, quel mal y avait-il à pleurer? Sans même se forcer, il laissa couler ses pleurs sur la blessure sanglante de la jeune femme qui, à sa grande stupeur se referma.

Lorsqu'il vit sa mère se redresser, l'enfant se précipita sur l'homme oiseau et lui sautant au cou il le remercia en versant une marée de larmes de joies.

-Allons, petit, allons, dit-il en tapotant doucement son dos secoué par les sanglots...

Mal à l'aise devant l'enfance, mal à l'aise devant la femme... mal à l'aise devant le monde entier, la créature ailée se tourna alors vers Arthurius...

- Amis dis-tu... il y a des mots dont je ne connais plus la signification... que signifie être amis? Que signifie aimer?... Mais oublie tout-ça... ma mémoire me disait qu'en ces lieux je trouverais l'ombre d'une femme qui fut et n'est plus qu'une ombre elle aussi... peut-être est-ce un leurre, peut-être pas... mais celle-ci demande de l'aide... Faut-il une mémoire pour voler au secours d'un être à qui tout fut enlevé?

Le Tyréen sourit...

- Téléri dis-tu? Ce nom trouve un écho lointain en moi... Mais cet écho est vague, si vague que je ne puis le saisir... Tu me parles aussi des Eldars... qui furent-ils, car ici je ne vois que ruines et désolation... Un jour peut-être trouverais-je une réponse à toutes ces questions... mais un nom semble avoir été effacé sur toutes les stèles où sont racontés les exploits d'un grand seigneur... pourquoi ce nom est-il effacé comme si ce Seigneur fut bâni ou rendu responsable de la chute de cette Cité? Que de questions... que de vides en moi... Qui suis-je? Qui suis-je? Quel est mon rôle dans tout cela?

Puis, se tournant vers la femme qui s'était agenouillée à ses pieds, il dit :

-Relève-toi, je ne suis rien... je suis bien moins que toi... bien moins que la plus petite pierre abandonnée sur le sol. Mais mon épée est fiable, mes griffes acérées... nous marcherons sur l'ennemi de ton peuple et nous le vaincrons... Mais dis-moi, comment s'appelle ton village et à quel royaume appartient-il donc...

- Rehm est son nom, dit-elle... et nous appartenons au roi d'Arcan... mais il a lui aussi disparu, un jour... et son règne de paix a pris fin lorsque se sont effondrées nos frontières.

Alors, Arthurius sursauta et de grosses larmes roulèrent sur son visage...

Arthurius contint ses larmes pour ne pas effrayer la femme et l'enfant. Ses idées fusaient en tout sens. Ses émotions l'envahissaient. La panique, l'effroi, la colère... Trop de sentiments, trop en même temps. Le Téléri renfloua toutes ses émotions. Il décida de mettre de côté ses craintes et ses interrogations. Le Roi d'Arcan ne pouvait avoir péri, Arcan ne pouvait pas sombré comme avait jadis sombré Valinor.

- Je porterai secours au Royaume d'Arcan. J'y chasserai les Tyrans et j'y ramènerai la paix et la sécurité, déclara le Téléri. Mais pour l'heure reposez vous, dormez en paix car rien ne vous arrivera ici-lieu. Mélanos veille sur eux en mon absence, j'ai des choses à faire en Valinor. Je répondrais à toutes tes questions ensuite, il faut que je prépare notre voyage.

Puis le Téléri partit, il s'engouffra dans la citée sous le regard des trois autres. Il s'arrêta d'abord dans ce qui fût jadis la Grande Bibliothèque de Valinor. Il se dirigea tout de suite vers la réserve puis aux archives. La poussière régnait en maître dans ce grand lieu de savoir. Personne n'y étant entré depuis bien longtemps, trop longtemps. Il chercha quelques longues minutes avant de trouver ce qu'il était venu chercher. Il prit dans ses mains un petit livre en cuir dans lequel étaient reliés des parchemins. Sur la couverture était inscrit: "L'héritage de Doudougael". Il fourra l'ouvrage dans son sac puis repartit dans les ruelles désertes de la citée.

Il s'arrêta alors une seconde fois à la taverne. Il n'y avait ni Paolas ni Dougi pour l’accueillir. A la place une porte défoncée, des tables cassées, des détritus au sol... Des marques prouvant que ce lieu de convivialité était devenu un squatte, un endroit maintes fois pillé. En y repensant Arthurius se trouva idiot d'être revenu ici. Il était venu pensant trouver des vivres pour le voyage. Mais, même s'il en avait trouvé, elles seraient périmées depuis tout ce temps. Il avait agi par habitude, mécaniquement. Il allait repartir lorsqu'il entendit un bruit venant de derrière le comptoir. Il tira son épée et se dirigea doucement vers la source du bruit.

Mais à la place d'un pilleur armé jusqu'aux dents, il trouva un gamin d'une quinzaine d'année blotti sous une couette. Ses yeux trahissaient sa peur. Arthurius rengaina alors sa lame et s'accroupit.

_Que fais tu là ? Questionna le Téléri.

_On m'avait parlé d'une citée où je pourrais venir me réfugier pour échapper à la famine. A la mort de mes parents j'ai décidé d'y aller, n'ayant rien à perdre. Mais lorsque je suis arrivé ici je n'ai trouvé âme qui vive : juste des ruines.

Le Téléri soupira avant de répondre d'une voix pleine de compassion :

_Viens avec moi, je vais te conduire en sûreté.

Sur le chemin du retour Arthurius se demanda combien de pauvres innocents étaient venus ici dans l'espoir d'y trouver un havre de paix et n'y avait trouvé que des ruines. Puis il balaya cette pensée, décidant de se concentrer sur des aspects plus pratiques. Il ne pouvait emmener ces gens avec lui à Arcan. C'était bien trop dangereux pour eux. Une idée lui traversa alors l'esprit. Il empoigna son Cor des Immortels et souffla très doucement dedans. L'appel ne concernait qu'une seule personne qui pourrait mener ces gens dans un endroit sûre.

_Que fais tu ? Demanda le gamin. Pour toute réponse il eut droit à un sourire bienveillant.

Après quelques temps ils arrivèrent à l'endroit où il avait laissé les autres. Mais il n'y avait plus personne.

Mais Le Tyréen entendit le son du cor… et il lui rappela une douce musique venue tout droit de son cœur… Alors, il suivit l’appel puis il suivi Arthurius de la taverne à son point de départ. Pourquoi avait-il la désagréable impression que pour sauver Arcan il fallait d’abord que chacun se sauva lui-même ?

De plus, s’il y avait bien une chose que le Tyréen n’avait pas oubliée, c’est qu’on ne devient pas un Brave en demeurant éternellement caché… Ainsi donc, d’un geste de la main il interpella Arthurius, le Teleri…

-Laisse-le choisir… il est en âge de prendre en main sa destinée…

Puis, se tournant vers l’enfant, il ajouta :

-Enfant, veux-tu être un fuyard toute ta vie ou veux-tu devenir un homme ? Choisis-tu la sécurité offerte par un Créateur ou préfère-tu devenir un guerrier et pouvoir un jour défendre la veuve et l’orphelin, le pauvre et l’opprimé? Veux-tu grandir comme un pleutre ou apprendre, sous ma tutelle, le maniement des armes que tu auras choisies… car cela, non, cela je ne l’ai pas oublié… choisis-tu l’aile protectrice de VEPO ou la route qui mène à ce que recèlent vraiment tes tripes ?

Il n’avait pas élevé la voix… et pourtant, tous ceux qui étaient là avaient senti vibrer, dans ses mots, la puissance d’un chef… et la force d’un vieux sage…

Ensuite, le Tyréen se tourna vers le Créateur… et tandis que son cœur entendait les paroles du Dieu de la Mer, il revit certaines scènes de sa vie… des scènes confuses… mais qu’il savait exactes puisque c’est par le Créateur qu’il les avait reçues alors, il dit à VEPO :

-Je ne sais plus qui tu es… mais je sais qu’au fil de ma vie, je t’ai toujours fais confiance… Alors, je te crois, mon ami, je te crois si tu penses que le temps de la souvenance n’est pas encore venu… Pourtant, le nom de ce royaume ne m’est pas inconnu… et quelque chose, dans cet enfant, m’en rappelle un autre qui, je le sais, ne me trahit jamais… Alors, je te le demande, ô VEPO, es-tu, cette fois encore, avec ou contre moi ?

Ensuite il se tourna vers Arthurius et laissant libre court à ce qu’il ressentait vraiment il lui dit :

-Et toi Arthurius… toi qui sembles prendre tout en main, il me semble déceler quelques zones d’ombre dans ton cœur… tu m’appelles Ami… mais quelle fut ma fonction dans ta vie ? T’ais-je jadis obéi… ou as-tu servi sous mes ordres ? Suis-je ton chef… ou ton soldat ? Car il ne me semble pas avoir jamais servi d’autre maître qu’une Cité… Las… Je ne m’en souviens pas… Il y avait un roi… un grand roi et je l'aimais comme un fils… et il était mon fils... et il y avait aussi une femme, une simple femme que j’aimai comme ma reine… Oh, Arthurius, Arthurius : la lumière à besoin de Vérité… Pourquoi la tienne me semble-t-elle si incomplète ? Si sélective ?

S’adressant à nouveau à VEPO il ajouta :

-Et pourquoi, VEPO, pourquoi ais-je à ce point la certitude qu’en ces lieux, tu fus le seul à ne m’avoir jamais jugé, condamné et sali ? Viendras-tu, mon Ami, viendras-tu avec moi ? J’ai besoin de ta présence… Comprends-tu cela ?

Arthurius regardait l'enfant avec compassion. Mélanos voulait en faire un guerrier, il lui laissait le choix et Arthurius laissa l'enfant choisir, même s'il n'était pas du tout daccord. A ses yeux Goulven était encore un enfant, trop jeune pour voir et participer aux horreurs de la guerre. Il inspirait encore l'innocence et la naïveté. Du moins, c'est ainsi que le considérait Arthurius. Mais peut être se trompait-il, peut être que Goulven était prêt à devenir un homme.

Avec l'aide de Mélanos et au vu de la famille à laquelle il appartenait, Arthurius ne doutait pas qu'il serait un jour un redoutable guerrier et si la Lumière le lui accordait, un excellent meneur d'hommes.

Arthurius détourna son regard de Goulven, son destin était désormais entre ses mains. Il devait faire son choix.

Arthurius se tourna vers Vepo et le remercia:

_Je te suis reconnaissant Vepo de rendre à cette citée l'une de ses plus importantes fonctions, être un refuge pour les âmes égarées ou persécutées.

Puis Arthurius répondit à Mélanos. Malgré sa mémoire vacillante il restait le même, il n'y avait aucun doute là dessus.

_Tu ne fus pas mon soldat. Quoique j'ai été Général des Armés Eldar à une époque, plaisanta Arthurius. Mais la plupart du temps tu étais surtout mon mentor et mon Seigneur, le Seigneur de notre maison, les Téléris. Un jour tu as même proposé de m'adopter... Mais c'était il y a bien longtemps. Nous avons partagé le meilleur et le pire Mélanos, nous avons combattu comme un seul homme et nous nous sommes déchirés comme il est difficile de se l'imaginer. Nous étions amis dans nos coeurs mais très souvent rivaux dans nos idées. Une fois je t'ai convaincu de ne pas quitter Valinor alors que tu avais perdu espoir mais la fois suivante tu as perdu espoir par ma faute. Je t'ais soutenu et combattu, admiré et déçu. Je t'ai suivis aveuglément et je t'ai jugé injustement. Je t'ai défendu et attaqué. Dans cette citée je pense que nous sommes de bons amis mais nous sommes aussi de grands rivaux. Nos querelles ne se comptent plus mais nous avons accompli de grandes choses ensemble. Je ne te demande pas de me faire confiance ou de me suivre aveuglément. Mais crois en ma sincérité lorsque je te dis que je vais t'aider et que je suis avec toi. Je suis avec toi, pour le meilleur mais aussi pour le pire.

Le thyréen hocha la tête doucement tout en écoutant Arthurius.

Il appréciait sa franchise et quoi qu'immortel, le guerrier était encore fougueux. Il avait certes de nombreuses choses à apprendre mais ce que Mélanos savait, c'est qu'il n'avait pas froid au yeux et il appréciait cela.

- Crois-tu vraiment que je veuille en faire un guerrier, lui demanda-t-il tout en regardant son petit fils avec tendresse? Et si mon désir était avant tout d'en faire un homme capable de se défendre et de préserver la vie de ceux qui lui sont chers?

Alors, le Tyréen regarda autour de lui : des ruines à perte de vue et quelques tombes, par ci par là... Celles de ceux qui avaient eu la chance d'être ensevelis tandis que les autres, les plus nombreux, s'asséchaient dans les sables du désert...

-Viens, Goulven, approche-toi mon enfant, dit-il en tendant la main à son petit fils.... est-ce à toi que nos braves doivent leurs sépultures?

Alors il plongea dans l'esprit du garçon et il le vit, enterrer les corps les uns après les autres... il sentit la force de ses larmes, l'intensité de son chagrin.

-Pourquoi as-tu menti au chevalier en disant que tu venais du dehors lui dit-il? Tu es né et tu as grandi ici, je le lis dans ton coeur...Ton âme crie vengeance mais tu sais aussi qu'on ne peut se venger de ce qui nous a détruit de l'intérieur... Je te le répète, mon garçon... veux-tu poursuivre ta tâche de fossoyeur ou reprendre le trône de ton père? Car c'est de ton royaume qu'il s'agit aujourd'hui et non plus d'une cité morte dont tu as, au fil du temps, enterré les meilleurs chevaliers!

Sans répondre, le gamin se blottit contre le coeur du vieux chevalier qui, dépassant ses appréhensions, finit par le serrer au creux de ses bras.

Puis, le Tyréen se tourna à nouveau vers Arthurius et tout en lui souriant il lui dit :

-L'ambivalence et l'instabilité caractérisa donc notre relation en ces lieux si j'en crois tes paroles. Il est bon de le savoir... Mais il serait bon aussi d'être sûrs qu'une telle chose ne se produise plus afin que l'enfant que voici, puisse sans crainte reprendre un jour ce qui lui est dû... Qu'en pense-tu Arthurius? A qui et à quoi vont ton honneur et ta fidélité en ce jour?

Pendant que tout le monde parlait, nul ne vit vu qu’une personne, venant de l’intérieur de la cité, s’approchait d’eux eux. Tout le monde fut alors surpris d’entendre Paolas prendre la parole.

- Goulven, à te voir avec cette épée dans les mains, tu me rappelles beaucoup ton père. Tu lui ressembles énormément comme ça. Je viens d’entendre toute votre discussion et, à mon avis, c’est à Goulven de prendre la décision de notre départ en guerre, ou non.

Il est, comme tu l’as dit Mélanos, le fils et le roi d’Arcan : je le suivrai donc dans toutes les quêtes qu’il voudra, en souvenir de son père.

Je pense tous de même qu’il est temps de montrer, à toutes les autres cités, que Valinor n’est pas totalement morte et qu’il y a encore des soldats prêts à la protéger et à défendre tous les peuples qui auront besoin de son soutien.

Que nous soyons 5 ou 100 nous sommes des Eldar, et nous devons le prouver et le montrer au reste du monde.